En 2012, Dominique Hornus-Dragne créait Solution Riposte, des leçons d’escrime pour aider les femmes à combattre le cancer du sein. Cinq ans après, c’est une réussite. Rencontre.

Cinq ans après la création de Solution Riposte, Dominique Hornus-Dragne a réussi son pari et a exporté le concept partout en France (©Rémi Benoît)

Il paraît que les chiens ne font pas des chats. Il était donc dans la logique des choses qu’une combattante engendre des combattantes. En 2012, Dominique Hornus-Dragne, énergique anesthésiste pédiatrique à Toulouse, créait Solution Riposte, soit l’appel de l’escrime pour aider les femmes atteintes de cancer du sein à combattre autant physiquement que psychologiquement l’épreuve de la maladie. Une initiative qui porte de lointaines racines. « J’ai commencé l’escrime à dix ans et je suis médecin de la Ligue régionale d’escrime depuis 1989, explique Dominique Hornus-Dragne. Je me suis toujours intéressée aux solutions médicales complémentaires comme l’homéopathie ou la micronutrition. Et j’ai l’habitude de revoir mes patientes pour mieux leur faire supporter la chirurgie. En écoutant leurs réflexions, je me suis dit que le sport pouvait leur apporter quelque chose ». Avec 58 000 nouveaux cas chaque année en France, et 12 000 décès, la mobilisation et l’urgence autour de ces initiatives est indispensable.

Une cinquantaine de salle d’armes en France

L’aventure a débuté par quatre « patientes cobayes » dans la salle d’armes de Ramonville, fin 2011. Depuis, l’idée de la spécialiste toulousaine s’est diffusée à vitesse grand V. D’abord en Haute-Garonne, avec des sessions dispensées à Ramonville, Villeneuve-Tolosane, Aucamville, Toulouse (au TCMS) et Saint-Gaudens, puis en Occitanie (Castres, Auch, Rodez, Castelnaudary, Tarbes, Lavaur…), à travers toute la France (Brest, Nancy, Limoges, Nîmes, Montpellier, Bordeaux, Dax, Bergerac…)… et même à l’étranger, en Suisse ou en Belgique. Soit en tout une cinquantaine de salles d’armes.

Dans l’escrime, on travaille la position d’ouverture, le geste inconscient pour améliorer l’amplitude de l’épaule. C’est un sport particulier avec une éthique, une solidarité, de l’investissement, du respect, de la confiance en soi. L’escrime a changé la vie de beaucoup de femmes atteintes de cancer du sein.

« Il n’y a pas de tabou entre nous »

Depuis cinq ans, près de 200 riposteuses ont été convaincues dans la région toulousaine par cette pratique de « réhabilitation », que Dominique préfère à « rééducation ». Parmi elles, Béatrice, assidue depuis 2014 aux cours dispensés à Ramonville par Grégoire, le maître d’armes. Pas de « rage » chez elle malgré la « catastrophe » de la maladie, mais une discipline « enrichissante et complète. C’est un moment de détente et il n’y a pas de tabou entre nous ». Un sas de respiration assorti d’un regret. « Le cancer du sein reste un sujet sensible que je n’ai jamais abordé avec mes enfants ».
Federica est Italienne et a pris le train de Solution Riposte en marche en décembre 2016. 

C’est un sport bien pensé pour les corps abîmés. Être là est un choix pour tout le monde. Nous partageons ensemble les effets secondaires de la maladie, les problèmes. Ici, je trouve de la force, ça permet de se défouler de façon élégante et de se désinhiber.

Une fille de Saint-Sernin

Ces tranches de vie, cette solidarité quand les femmes apprennent, se dépassent pour vaincre : voilà le moteur de l’anesthésiste, qui tient comme à la prunelle de ses yeux à la gratuité des cours la première année pour des femmes « qui doivent subir une prise en charge du cancer qui coûte très cher ». Une pure Toulousaine qui vit place Saint-Sernin de père en fille ! « Mon père était confiseur et le plus vieux commerçant de la ville dans les années 1950. J’ai fait mes études au lycée Saint-Sernin et devenir médecin était une envie profonde. Je ne me suis jamais posé la question », se souvient celle dont le grand-père paternel était le fondateur de la Verrière ouvrière d’Albi (Tarn).

Une actrice de Plus Belle La vie dans la famille !

Ayant peu l’oreille des pouvoirs publics dans la ville soi-disant à la pointe internationale de la lutte contre le cancer, Dominique Hornus-Dragne fait jouer ses réseaux rotariens et peut compter sur deux marraines de choc : la ministre des Sports et ancienne championne olympique d’escrime Laura Flessel (bien avant qu’elle n’entre au gouvernement) et Cécilia Hornus, qui incarne le rôle de Blanche dans la série Plus Belle la Vie… mais qui est également la cousine germaine du mari de la créatrice de Solution Riposte ! « On se voit de temps en temps, c’est une jolie actrice ! », sourit Dominique Hornus-Dragne.

La solution de l’escrime… en prison

Prix Femina 2014, notre combattante toulousaine a plus d’un défi dans son sac. Depuis peu, l’escrime sert aussi d’exutoire pour les femmes purgeant une peine de prison dans le quartier de la maison d’arrêt de Seysses, au sud de Toulouse. Autre problématique qu’un cancer du sein, mais une même utilité psychosomatique. « Dans ce cadre, l’escrime permet de canaliser l’énergie, d’apprendre le respect des règles, des consignes. Une dizaine de femmes pratiquent Solution Riposte à Seysses. Et le maître d’armes se régale ! », se félicite la Toulousaine. Jeudi 29 juin, elle prévoit de se rendre dans la maison d’arrêt pour faire un point sur l’initiative, en compagnie d’un grand nom de l’escrime en Occitanie : le sabreur Damien Touya, champion olympique par équipes à Athènes (Grèce) en 2004 et actuel conseiller technique à la Ligue régionale d’escrime.
Pour lutter contre la fatalité, il faut savoir prendre le taureau par les cornes. La fille de Saint-Sernin, du genre entêtée et sabre au clair, restera un adversaire redoutable contre le cancer du sein avec ses « riposteuses ». La rage et la colère comme moteurs, et la victoire de la féminité comme finalité.

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L’escrime… et maintenant le rugby !
Pionnière dans la lutte contre le cancer du sein par le truchement du sport, Solution Riposte s’exporte pour d’autres sports. Depuis quelques mois, les femmes peuvent canaliser leur rage et réapprendre une certaine motricité au moyen du rugby. « Une trentaine de femmes, atteintes de cancer du sein mais aussi de cancer gynécologique, pratiquent le rugby à toucher. C’est gratuit et les participantes sont licenciées de la Fédération française de rugby », témoigne le Dr Stéphanie Motton, qui officie au CHU de Toulouse et à l’Oncopole. Les sessions se déroulent sur le terrain des Argoulets, à la Maison du rugby.
Après le rugby, Dominique Hornus-Dragne veut adapter le tir à l’arc, la marche nordique, le tennis de table ou encore le karaté.